Du carbone au crédit carbone : Les fondamentaux

Pour une entreprise, comprendre quelles sont ses émissions de GES rapportées à la tonne équivalent CO2, c’est faire un premier pas vers leur réduction et l’investissement dans des Solutions Fondées sur la Nature (SFN).
23 mai 2024 par
Du carbone au crédit carbone : Les fondamentaux
The Green Tree

La plupart de nos actions génèrent une dépense d’énergie, or la combustion d’énergie émet du CO2, dont la quantité varie selon la source. Comme le dioxyde de carbone est le principal gaz à effet de serre (GES) incriminé dans le réchauffement atmosphérique, c’est lui qui sert d’unité de référence pour calculer l’impact de nos activités sur le réchauffement climatique. Pour une entreprise, comprendre quelles sont ses émissions de GES rapportées à la tonne équivalent CO2, c’est faire un premier pas vers leur réduction et l’investissement dans des Solutions Fondées sur la Nature (SFN) qui permettent de stocker à long terme son CO2 éq. résiduel.

Pourquoi choisir le CO2 comme mesure de référence ?

Par son effet cumulatif et les fortes quantités que nos actions humaines libèrent dans l’atmosphère, le CO2 est le principal gaz à effet de serre jugé responsable du réchauffement climatique. On estime qu’il représente près des deux tiers des émissions mondiales de GES provoquées par les activités humaines. Et comme il a la particularité de demeurer longtemps dans l’atmosphère, le CO2 émis aujourd’hui a des conséquences sur l’avenir.

C’est donc parce qu’il est le premier des gaz contribuant aux dérèglements climatiques qu’il a été adopté comme valeur de référence. Ainsi, la tonne équivalent CO2, notée tCO2éq. est la mesure qui permet de dresser un bilan des émissions par individu, par entreprise, par pays ou de façon globale.

C’est une convention adoptée par le monde scientifique, qui recouvre en réalité l’addition de plusieurs gaz dont le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et l’ozone (O3).

A l’état naturel, pourtant, les gaz incriminés ne sont pas néfastes, ils font partie des cycles biogéochimiques. Ils sont ainsi contenus dans divers éléments naturels et peuvent changer d’état. Ils contribuent à la formation de l’atmosphère, permettant à la vie que nous connaissons d’exister. Concrètement, ils agissent dans les basses couches de l’atmosphère en retenant une partie du rayonnement infrarouge émis vers l’espace par la surface de la Terre qui est elle-même réchauffée par le soleil. Sans l’effet de serre qu’ils contiennent dans l’atmosphère terrestre, la température moyenne sur Terre, qui est de 15°C, serait de -18°C. Leur rôle est donc très utile, à condition que nos activités ne le déséquilibrent pas.


Fondamentaux des unités de carbone, concepts essentiels

Un certificat de carbone valide l’élimination ou la séquestration d’une tonne équivalente de CO2, réalisée par une action spécifique. Dans un contexte où chaque tonne de CO2 a son importance, il est crucial de bien comprendre les certificats de carbone, leur mécanisme et leur utilisation pour ceux désirant contribuer activement à la lutte contre le changement climatique.


1. Certificat de Carbone – Explication :

Un certificat de carbone valide qu’une action a permis de réduire ou de séquestrer une tonne de CO2. Il est important de distinguer le carbone ©, un élément chimique, du dioxyde de carbone (CO2), une molécule qui contribue à l’effet de serre. Dans le cadre des certificats, une tonne de carbone se réfère à une tonne de CO2 équivalent. Mathématiquement, cela est exprimé par la formule :

1C+2O=12+(2×16)=44

unités de masse atomique, signifiant qu’une tonne de carbone séquestrée correspond à 3.67 tonnes de CO2. Les arbres jouent un rôle clé en absorbant le CO2 et en retenant le carbone tout en libérant de l’oxygène (O2). L’orthographe correcte pour le dioxyde de carbone est CO2 ou co2. 



Légende:         CO2 = dioxyde de carbone            C = carbone séquestré

2. Les quatre attributs d’un certificat de carbone

Pour être considéré comme valide, un certificat de carbone doit satisfaire à des critères précis, indépendamment de la certification.

Mesurabilité et Vérifiabilité

Il est impératif de pouvoir mesurer et vérifier les réductions d’émissions pour assurer que chaque certificat correspond effectivement à 1 tCO2 eq. évitée ou séquestrée.

La vérifiabilité fait référence à la possibilité de confirmer de manière indépendante les déclarations relatives à un certificat de carbone. Ce qui est mesurable est intrinsèquement vérifiable : choisir des indicateurs précis pour les réductions implique que ces indicateurs peuvent être confirmés par un organisme de certification tiers.

Additionnalité

Les calculs sont basés sur un scénario de référence, qui décrit ce qui se produirait si le projet n’était pas mis en œuvre. Il est nécessaire de démontrer que les réductions d’émissions n’auraient pas eu lieu dans ce scénario de référence.

L’additionnalité se décline en plusieurs aspects :

  • Physique/biologique

Seules les tonnes de CO2eq. captées ou évitées grâce au projet sont valorisées, en soustraction des tonnes qui auraient été séquestrées de toute manière dans le scénario de référence.

  • Économique

Pour que les réductions d’émissions soient considérées comme additionnelles, il faut aussi prouver qu’elles n’auraient pas pu se produire sans la valorisation des certificats de carbone.

  • Réglementaire

L’additionnalité dépend également de la réglementation en vigueur.

Permanence : Un certificat de carbone valide une réduction d’émissions qui doit être durable et irréversible. La permanence est essentielle pour éviter des pratiques absurdes comme créer des certificats pour des actions éphémères. Bien qu’un arbre individuel ne puisse être considéré que comme un stockage temporaire de carbone, la forêt dans son ensemble, si gérée durablement, représente un stockage permanent car les arbres abattus ou morts sont remplacés par de nouveaux.

Unicité : Chaque certificat de carbone est unique et ne peut être revendiqué qu’une seule fois par une entité pour éviter la double comptabilité des réductions d’émissions. Les registres spéciaux sont utilisés par les acteurs du marché du carbone pour enregistrer chaque certificat avec un numéro de référence unique, assurant ainsi son unicité.


Prévention ou Absorption

Un projet de prévention vise à réduire les émissions de CO2 par rapport à ce qui aurait été émis en maintenant le statu quo quant au projet d’absorption il vise à retirer le CO2 de l’atmosphère.

Les 3S : Séquestration, Stockage, Substitution

Il est crucial de différencier ces termes :

  • Séquestration : capture du carbone dans la biomasse via la photosynthèse (c’est-à-dire les arbres vivants dans une forêt).
  • Stockage : conservation du carbone dans les produits issus du bois (meubles, caisses, poutres, copeaux, etc.).
  • Substitution : remplacement des sources d’énergie fossile ou de matériaux à forte consommation énergétique et/ou polluants (comme l’aluminium ou le béton) par du bois. Les quantités de carbone économisées en utilisant ce matériau renouvelable au lieu d’un autre non renouvelable sont considérées comme substituées.



Pour répondre aux changements climatiques, différentes mesures peuvent 

être prises (cf. figure 1) :


a. Il faut en priorité intervenir à la source afin d’empêcher que des émissions de gaz à

effet de serre parviennent dans l’atmosphère par le biais d’activités humaines. Dans la

production d’énergie par exemple, il s’agit d’abandonner les énergies fossiles au profit

des énergies renouvelables. Dans le domaine de la consommation, l’alimentation, la

mobilité et l’habitat doivent être adaptés pour devenir compatibles avec le climat. Dans

l’industrie, par exemple dans les installations de production de ciment ou d’incinération

des ordures ménagères, le CO2 peut être capté directement à la source et stocké

 durablement dans des lieux adéquats (carbon capture and storage, CCS).


b. Les technologies d’émission négative (NET) permettent quant à elles d’extraire le CO2

étant déjà parvenu dans l’atmosphère et de le stocker durablement afin de réduire la

concentration de CO2.


c. En outre, il est possible de limiter le réchauffement en recourant à la SRM, qui consiste

à augmenter la réflexion du rayonnement solaire (solar radiation management, SRM).


d. Dernière possibilité, s’adapter aux effets inévitables des changements climatiques


Figure 1 : Il existe différentes façons d’intervenir le long de la chaîne causale. Source : schéma de l’OFEV inspiré de Jan C.Minx et. al. (2018)

Basé sur la Nature ou Basé sur la Technologie

Les certificats de carbone peuvent être générés de diverses manières :

  • Naturels : ces certificats proviennent de projets exploitant des processus écologiques ou des écosystèmes pour diminuer ou capturer les émissions de GES.
  • Technologiques : ces certificats découlent de projets ou d’activités utilisant la technologie pour réduire ou capturer les émissions de GES.

Retrait

Pour comptabiliser un certificat dans son bilan carbone, il faut le “retirer” du registre, ce qui signifie qu’une entreprise doit obtenir le certificat pour “compenser” son empreinte avec le crédit concerné, en le faisant attribuer définitivement à son nom.

Un crédit “retiré” ne peut plus être échangé.

Neutralité ou Zéro Net

Bien que ces termes soient parfois utilisés de manière interchangeable, ils comportent une nuance distincte :


  • Neutralité carbone : peut impliquer l’utilisation de tout type de crédits carbone, y compris ceux d’évitement, sans nécessiter une réduction obligatoire des émissions.
  • Zéro Net : ne peut impliquer que l’utilisation de crédits carbone basés sur l’absorption et suppose que l’entité a minimisé ses émissions autant que possible.


Compensation ou Contribution

Les concepts de neutralité carbone et de Zéro Net sont souvent utilisés pour décrire les efforts d’une entité pour compenser ses émissions de CO2. Cependant, ces termes ne doivent pas être confondus avec une solution simple qui permettrait d’annuler les émissions de gaz à effet de serre. La neutralité carbone est un objectif complexe qui doit être envisagé à l’échelle mondiale, et non individuellement.

Plutôt que de parler de compensation, qui pourrait suggérer un “droit à polluer”, il est préférable de parler de contribution à la neutralité carbone globale. Cela implique que les entreprises achètent des crédits carbone non pas pour annuler leurs émissions, mais pour participer à l’effort collectif de lutte contre le changement climatique.

Il est essentiel de comprendre que planter des arbres ou acheter des crédits carbone ne remplace pas la nécessité de réduire activement les émissions de gaz à effet de serre. Pour atteindre la neutralité carbone mondiale d’ici 2050, conformément à l’Accord de Paris, il est crucial d’agir sur trois axes : éviterréduire et contribuer. La contribution carbone est une approche plus juste qui reconnaît l’importance de réduire et d’éviter les émissions de GES jusqu’à atteindre le niveau incompressible, plutôt que de simplement compenser les émissions existantes.


Quelle est la différence entre les deux types de crédits carbone

Il existe deux types principaux de crédits carbone : d’évitement et de captation.

  • Crédits d’évitement : Ils sont générés par des actions qui préviennent ou réduisent les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à un scénario de référence. Ces crédits sont vendus pour compenser les émissions de GES et sont acceptés dans un scénario de neutralité carbone.
  • Crédits de captation : Ils résultent de projets qui absorbent les GES déjà présents dans l’atmosphère via des puits de carbone. Ces crédits sont les seuls acceptés dans un scénario de Net zéro et sont aussi valables pour la neutralité carbone.

Les crédits de captation sont préférés car ils permettent une réduction physique du CO2 atmosphérique, contrairement aux crédits d’évitement qui ralentissent seulement l’accumulation de CO2. Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, il est essentiel de réduire rapidement les émissions de CO2 pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050.

En plus de réduire l’utilisation de combustibles fossiles, il est crucial de gérer efficacement les puits de carbone naturels et de préserver les écosystèmes qui stockent les GES. Les entreprises peuvent contribuer à ces efforts en finançant des Solutions Fondées sur la Nature (SFN), comme la gestion durable des forêts, la plantation de nouvelles forêts, et la création de haies bocagères et de forêts urbaines, qui absorbent le CO2 sur le long terme et préservent la biodiversité pour les générations futures.

La gestion durable des forêts que nous mettons en œuvre permet ainsi une absorption à long terme du CO2, les arbres ayant besoin de ce gaz pour opérer la photosynthèse par quoi ils créent leur énergie.

Nous œuvrons également à la plantation de nouvelles forêts, à la création de haies bocagères et de forêts urbaines. 

En conclusion

La question du carbone est au cœur des préoccupations mondiales face à l’urgence climatique. Les crédits carbone, tout en étant un outil prometteur, doivent être abordés avec rigueur, transparence et intégrité. L’efficacité de ces crédits repose sur leur capacité à être mesurables, uniques, additionnels et permanents. Ils sont le reflet de diverses initiatives, qu’elles soient fondées sur la nature ou sur la technologie, et ont chacun leurs coûts associés, liés à leurs particularités et localisation géographique.

Il est capital de reconnaître que le carbone n’est qu’une partie du puzzle environnemental. Se focaliser uniquement sur cet unique aspect du projet pourrait nous faire passer à côté d’autres enjeux essentiels pour notre planète et pour l’humanité. Choisir des crédits carbone ne doit pas simplement signifier compenser ses émissions, mais aussi contribuer à un monde plus durable, équitable et respectueux des écosystèmes et des communautés.






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